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OBLOMOFF.

cigares… voilà comme il faut agir ; et toi, tu n’y entends rien. Un homme perdu ! Avec moi le staroste aurait déjà dansé une belle danse ! Je lui en aurais donné ! Quand part la poste ?

— Après-demain, dit Oblomoff.

— Alors voici : assieds-toi et écris tout de suite.

— Mais c’est après-demain, pourquoi écrire de suite ? fit Oblomoff, on aura le temps demain. Écoule, Michée, mets le comble à « tes bienfaits : » j’ajouterai au dîner un poisson ou une volaille.

— Qu’est-ce encore ? demanda Taranntieff.

— Assieds-toi là et écris. Il ne te faut pas beaucoup de temps pour griffonner trois lettres ! tu dictes si « naturellement » ajouta-t-il, en cherchant à dissimuler un sourire, et voici Alexéeff qui va me copier…

— Hé, quelle idéel répondit Taranntieff, que j’écrive ! Mais voilà trois jours que je n’écris pas même dans mon bureau : dès que je m’assieds, j’ai la larme à l’œil gauche, probablement un courant d’air, et le sang me monte à la tête aussitôt que je me baisse… Paresseux que tu es ! tu te perds, mon ami Élie, tu te perds pour moins d’un kopek !

— Ah ! si André pouvait arriver ! dit Oblomoff ; il arrangerait tout…

— Un beau protecteur que tu trouves là ! interrompit Taranntieff. Maudit Allemand, fieffé coquin !…