Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
OBLOMOFF.

Taranntieff nourrissait une aversion instinctive pour les étrangers ; dans ses idées les noms de Français, d’Allemand, d’Anglais étaient synonymes de coquin, d’imposteur, de rusé compère et de brigand, il ne faisait aucune différence entre les nations ; elles étaient toutes les mêmes à ses yeux.

— Écoute, Michée, dit sévèrement Oblomoff, je l’ai prié de retenir ta langue, surtout quand il s’agit d’un homme qui me touche de près…

— D’un homme qui te touche de près, riposta Taranntieff d’un ton haineux, quelle parenté a-t-il avec toi ? Un Allemand, c’est connu !

— De plus près que toute ma parenté : nous avons grandi et étudié ensemble, et je ne permettrai point d’impertinences…

Taranntieff devint pourpre de colère.

— Ah ! si tu me préfères un Allemand, dit-il, je ne remets plus les pieds chez toi.

Il enfonça son chapeau et se dirigea vers la porte. Oblomoff se radoucit sur-le-champ.

— Tu devrais respecter en lui mon ami et en parler avec réserve, voilà tout ce que j’exige ! Il me semble que le service n’est pas grand.

— Respecter un Allemand ! dit Taranntieff avec le plus profond mépris. Pourquoi donc ?

— Je te l’ai déjà dit, quand ce ne serait que parce qu’il a grandi et étudié avec moi.