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OBLOMOFF.

n’a même jamais vu la couleur du pain, et il est venu ici lever le nez.

— Laisse les morts dormir en paix ! Quels torts a son père ?

— Tous les deux ont tort, et le père et le fils, dit d’un air sombre Taranntieff, en faisant un geste de la main. Ce n’est pas pour rien que mon père m’a conseillé d’être sur mes gardes avec ces Allemands : n’a-t-il pas connu toute espèce de gens dans sa vie ?

— Par exemple, qu’est-ce qui te déplaît dans le père ? demanda Élie.

— Il est venu dans notre gouvernement avec une seule et unique redingote, et en souliers[1], au mois de septembre, et voilà que tout à coup il laisse un héritage à son fils ! Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Il n’a laissé à son fils qu’une quarantaine de mille roubles en tout. Sa femme lui avait apporté quelque chose, et il a gagné le reste en tenant une maison d’éducation et en régissant une propriété : il avait de bons appointements… Tu vois que le père n’a point de torts. Quels sont donc maintenant ceux du fils ?

— Un beau merle ! Tout à coup des quarante mille roubles du père il a fait un capital de trois cent mille, et dans le service il a dépassé le grade de con-

  1. En Russie les hommes ne portent que des bottes.