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OBLOMOFF.

à la même place où il était dix ans auparavant.

Toujours il faisait ses préparatifs, toujours il était sur le point de vivre, toujours il brodait son avenir des couleurs de son imagination ; mais à chaque année qui passait rapidement sur sa tête, il était forcé de modifier son plan et de laisser de côté un lambeau de sa broderie.

La vie à ses yeux se divisait en deux parties : l’une se composait de labeur et d’ennui — ce qui chez lui était synonyme ; l’autre de repos et de jouissances paisibles. C’est pourquoi dès le début le service de l’État, qui avait été sa principale occupation, n’eut pour lui que de cruels mécomptes.

Élevé au fond de la province, au milieu de mœurs douces et de vieilles habitudes nationales, il avait passé pendant vingt ans, d’étreintes en étreintes, des bras de ses parents dans ceux de ses amis et de ses connaissances ; il s’était pénétré du sentiment de la famille au point de considérer son service futur comme une occupation domestique semblable à celle de son père, quand il inscrivait nonchalamment dans un cahier les recettes et les dépenses.

Il se figurait que les employés d’une administration formaient entre eux une étroite famille toujours d’accord, occupés incessamment à soigner le repos et les plaisirs communs, que la fréquentation quotidienne du bureau n’était nullement obligatoire, et que les