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OBLOMOFF.

suite il s’étend sur le sofa : il appuie sa tête dans sa main et il réfléchit, sans ménager ses forces, jusqu’à ce qu’enfin sa tête succombe à la fatigue et que sa conscience lui dise : en voilà assez aujourd’hui pour le bien public et le bien en particulier.

Seulement alors il se décide à se reposer de son labeur et à changer sa pose méditative pour une autre, moins active et moins sévère, plus commode pour la rêverie et le far-niente.

Libre des embarras de la vie active, Oblomoff aimait à se retirer en lui-même et à vivre dans le monde qu’il s’était créé. Il était sensible à la jouissance des pensées élevées ; il n’était point étranger aux douleurs générales, aux douleurs de l’humanité.

Dans d’autres moments, au fond de son âme, il pleurait amèrement sur les misères de l’homme ; il éprouvait des souffrances inconnues, sans nom, une sorte de nostalgie et de vagues aspirations vers un pays lointain, probablement vers ce monde où jadis l’entraînait Stoltz… De douces larmes commençaient à couler sur ses joues…

Parfois il lui arrive de se pénétrer de mépris pour les vices des humains, pour le mensonge, la calomnie, le mal qui ronge la société ; de s’enflammer du désir de montrer à l’homme ses ulcères : tout à coup s’illuminent en lui des idées qui vont et viennent dans sa tête, pareilles aux vagues de la mer, qui en-