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OBLOMOFF.

Le serf sentit les premiers symptômes de sa vénération pour le barine qui se réveillait dans sa poitrine et qui gagnait son cœur, et tout à coup il le regarda droit dans les yeux.

— Comprends-tu ton méfait ? demanda Élie.

« Qu’est-ce que cela veut dire : méfait ? » pensa Zakhare avec douleur. « Ça doit être quelque chose de très-lamentable. Peut-on s’empêcher de pleurer, quand il commence à vous savonner ainsi ! »

— Quoi donc, monsieur ? commença Zakhare de la note la plus basse de son diapason : mais je n’ai rien dit, excepté que, voyez-vous…

— Non, attends ! interrompit Oblomoff : as-tu compris ce que tu as fait ? Allons, pose ce verre sur la table et réponds !

Zakhare ne répondit rien : il ne comprenait décidément pas ce qu’il avait fait ; mais cela ne l’empêchait point de regarder le barine avec vénération : il baissa même un peu la tête, en reconnaissance de sa faute.

— Dis encore que tu n’es pas un être venimeux ? fit Oblomoff.

Zakhare se taisait toujours, seulement il cligna de l’œil très-fort par trois fois.

— Tu as chagriné le maître ! dit Élie avec des pauses entre chaque mot, et il regarda fixement Zakhare en jouissant de son trouble.