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OBLOMOFF.

agita une dernière fois ses plumes, remua légèrement les feuilles autour de lui… et s’endormit. Tout se tut. Les seuls grillons faisaient du fracas à qui mieux mieux.

De la terre s’élevèrent de blanches vapeurs qui s’étalèrent sur la prairie et la rivière. La rivière aussi s’apaisa ; un peu plus tard, chez elle, tout à coup, on battit aussi l’eau pour la dernière fois, et elle se tut immobile. On sentait que l’air devenait humide ; il faisait de plus en plus sombre.

Les arbres se groupèrent en formes de monstres. La forêt se remplit d’épouvante ; soudain on entendit un craquement, comme si un monstre avait passé d’un endroit à l’autre : on eût dit que c’était une branche morte qui craquait sous son pied. Au ciel scintilla, brillante comme un œil vivant, la première petite étoile et, dans les croisées de la maison, s’allumèrent de petites flammes.

Arriva l’heure du silence général, solennel de la nature, l’heure où l’intelligence créatrice travaille plus fortement, où les méditations poétiques bouillonnent plus chaudes, quand la passion flamboie plus vive au cœur, quand l’angoisse est plus douloureuse, quand une âme féroce mûrit plus tranquillement et plus énergiquement le germe d’une pensée criminelle, et quand… à Oblomofka, tous reposent si bien et si paisiblement.

— Allons nous promener, maman, dit le petit Élie.