Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/246

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tiévna, où l’on se nourrissait si bien et où l’on était habillé à si bon marché…

À Oblomofka ce n’est pas seulement sur les enfants, mais encore sur les grandes personnes que les contes exercent leur influence, et cette influence dure jusqu’à la fin de la vie. Dans la maison, depuis le barine et sa femme jusqu’au robuste forgeron Tarasse, durant la sombre soirée tout le monde a peur de quelque chose.

Chaque arbre se transforme alors en géant, chaque buisson devient un coupe-gorge de brigands. Le bruit d’un volet et le hurlement du vent dans la cheminée font pâlir hommes, femmes et enfants.

Le jour des Rois personne, après dix heures du soir, ne franchirait tout seul la porte cochère, personne, la nuit de Pâques, n’oserait aller à l’écurie, de crainte d’y rencontrer le lutin. À Oblomofka on croit à tout : aux loups-garous et aux revenants.

Contez-leur qu’une meule de foin danse dans les champs, ils le croiront sans réflexion ; si quelqu’un fait circuler le bruit que ce bélier n’est point un bélier, mais quelque chose d’autre, ou bien qu’une nommée Marthe ou Stépanide est sorcière, ils ont peur et du bélier et de Marthe, et il ne leur vient pas en tête de demander pourquoi le bélier n’est plus un bélier, ni pourquoi Marthe est devenue sorcière : ils feraient même un mauvais parti à celui qui s’avi-