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OBLOMOFF.

pense importante était toujours accompagnée de lamentations, de cris et d’injures.

Plutôt que de délier les cordons de leur bourse, les Oblomoftzi se condamnaient à souffrir toute espèce d’incommodités et même s’accoutumaient à ne pas les considérer comme telles.

C’est pourquoi de temps immémorial le sofa du salon est tout couvert de taches et pourquoi le fauteuil en cuir de M. Élie père n’a de cuir que le nom. En fait, il n’est que… non, je ne dirai pas de tille, ni de ficelle : du cuir, le dossier n’a gardé qu’un seul lambeau, et le reste est tombé en morceaux et s’en est allé il y a cinq ans.

C’est pour cela aussi peut-être que la porte cochère est de travers et que le perron branle. Mais payer quelque chose, voire l’objet le plus indispensable, donner d’un coup deux cents, trois cents, cinq cents roubles, cela passait chez eux pour un suicide.

Ayant appris qu’un des jeunes propriétaires des environs était allé à Moscou et y avait acheté une douzaine de chemises trois cents roubles, vingt-cinq roubles une paire de bottes et quarante roubles un gilet de noce, le vieux Oblomoff fit un signe de croix, puis il dit avec une sorte de terreur et en manière de quolibet : « qu’un pareil gars méritait d’être mis dans une maison de force ! »