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OBLOMOFF.

veloppe d’une serviette ; un autre se fourre de la canneberge dans les oreilles et respire du raifort ; un troisième va à la gelée vêtu simplement d’une chemise ; le quatrième gît tout bonnement sans connaissance sur le plancher.

Ce cas se présentait périodiquement une ou deux fois par mois, parce qu’on n’aimait point à lâcher la chaleur en pure perte par la cheminée et qu’on fermait les poêles, quand il y courait encore de petites flammes bleuâtres comme dans Robert-le-Diable. Il n’y avait pas un poêle ni un fourneau où l’on pût appliquer la main sans qu’il y vînt une ampoule.

Une fois seulement, cette existence uniforme fut troublée par un événement tout à fait inattendu. Quand, après la sieste qui avait suivi un copieux dîner, la société se réunit pour le thé, tout à coup parut un mougik d’Oblomofka qui revenait de la ville ; il chercha et rechercha dans sa poitrine, enfin il en tira non sans peine une lettre froissée à l’adresse de M. Élie Oblomoff père.

Tous furent stupéfaits, la maîtresse de la maison changea même de couleur ; les yeux se dirigèrent et les nez s’allongèrent du côté de la lettre.

— Quel miracle ! De qui est-ce ? dit la dame, revenant enfin à elle-même.

M. Élie père prit la lettre d’un air incertain et la tourna entre ses mains, ne sachant qu’en faire.