Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
OBLOMOFF.

vous-mêmes ; alors je vous lirai et j’inclinerai la tête devant vous… dit-il en s’étendant encore une fois bien à son aise sur le sofa… Ils peignent un voleur, une femme perdue, disait-il, et ils oublient l’homme ou ne savent pas le représenter ! Où donc est l’art ? Quelles sont les couleurs poétiques que vous avez trouvées ? Libre à vous d’étaler la dépravation et la boue ! Seulement, de grâce, ne prétendez pas à la poésie.

— Mais alors, voulez-vous qu’on reproduise la nature, les roses, le rossignol ou une matinée d’hiver, pendant que tout bouillonne, bout et fermente autour de vous ?… C’est la physiologie de la société qu’il nous faut ; nous n’avons que faire maintenant de chansons.

— L’homme, donnez-moi l’homme ! disait Oblomoff ; aimez-le…

— Aimer l’usurier, le tartufe, le voleur ou l’employé imbécile ! comprenez-vous ce que vous me dites là ? Eh ! l’on voit bien que vous ne vous occupez point de littérature, dit Pennkine en s’emportant. Non, il faut les châtier, les rejeter du sein de la vie civilisée, de la société.

— Rejeter de la vie civilisée ! s’écria tout à coup Élie, inspiré, debout devant Pennkine, cela veut dire que vous oubliez que ce vase souillé a renfermé une pure essence, que cet homme perverti était cependant