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OBLOMOFF.

ment. Le père, qui avait jadis appris l’abc pour quelques kopeks, ne voulut point que son fils restât en arrière de son siècle : il résolut de lui faire enseigner quelque autre chose que la chicane. Il l’envoya trois années durant chez le pope étudier le latin.

L’enfant, qui ne manquait pas de moyens naturels, apprit en trois ans la grammaire et la syntaxe latine, il fut sur le point de déchiffrer Cornélius Népos ; mais le père pensa qu’il en savait assez, que même ces connaissances lui donnaient un avantage immense sur la vieille génération, et qu’enfin des études plus approfondies pourraient peut-être faire tort à son service dans les tribunaux.

À l’âge de seize ans, Michée, ne sachant que faire de son latin, se mit à l’oublier dans la maison paternelle ; mais en échange, et en attendant l’honneur de paraître au commissariat de police ou au tribunal de première instance, il fut de tous les festins et parties fines de son père.

À cette école et dans les conversations intimes, l’intelligence de Michée s’aiguisa jusqu’à la finesse la plus subtile. L’adolescent impressionnable écoutait d’une oreille attentive les histoires des collègues de son père sur mille affaires civiles et criminelles, sur des cas curieux qui avaient passé par les mains de ces chicaneurs de la vieille roche.