Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/148

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Ses efforts furent couronnés de succès ; au bout de quelque temps, l’oiseau savait assez distinctement demander du gruau et siffler en apercevant grand’mère :

— Sa-lut, da-me !

Les premiers temps, on l’avait mis dans la chambre de grand-père ; mais mon aïeul l’expulsa bientôt, car l’étourneau s’était mis à l’imiter. Grand-père prononçait nettement les paroles des prières et l’oiseau, passant entre les barreaux de la cage son bec jaune comme de la cire, de siffloter en l’entendant :

— Tiou, tiou, tiou, irre, tiou-irre, ti-rre, tiou-ou, ou !

Grand-père en était extrêmement vexé ; un jour même, il s’interrompit tout à fait, tapa du pied et cria d’une voix féroce :

— Enlevez ce diable, sinon je le tue !

Dès lors l’étourneau partagea notre chambre du grenier.

La maison, somme toute, était amusante ; et pourtant, j’étais accablé parfois d’une invincible tristesse, il me semblait que j’étais comme saturé de quelque chose de pesant, ou que, durant de longues périodes, je m’engloutissais dans un trou profond et sombre, ou encore que mes sens s’abolissaient, que je devenais aveugle et sourd, comparable à un demi-mort…