Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/154

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ses lunettes, et, d’un geste de sa main couverte de plaies, de cicatrices et de brûlures, m’invita :

— Entre…

Il m’autorisait à pénétrer chez lui, non point par la porte, mais par la fenêtre ! Cette attitude le rehaussa encore à mes yeux. S’asseyant sur une caisse, il m’installa devant lui, m’écarta, m’attira de nouveau, et enfin, à mi-voix, m’interrogea :

— D’où viens-tu ?

Cette question était pour le moins bizarre ; quatre fois par jour, nous nous attablions à la cuisine côte à côte. Je répondis :

— Je suis le petit-fils de la maison.

— Ah, oui ! reconnut-il en examinant son doigt, et il se tut.

Je jugeai alors utile de lui expliquer :

— Je ne m’appelle pas Kachirine, mais Pechkof… Alexis Pechkof…

— Pechkof ? répéta-t-il, et il accentua mon nom d’une manière défectueuse. Alexis Pechkof ? Bonne affaire.

Il me poussa de côté, se leva et se dirigeant vers la table :

— Reste tranquille, ordonna-t-il.

Je restai assis longtemps, très longtemps, le regardant agir : il râpait un morceau de cuivre maintenu entre les mâchoires d’un étau et la limaille dorée tombait en poussière sur un carton placé au-dessous. Bonne-Affaire prit une assez forte pincée de cette substance et la versa dans un bol épais avec une poudre blanche comme du sel qu’il sortit d’un petit pot. Ces préparatifs achevés, il aspergea le tout