Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/164

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sa chambre : elle était vide et ressemblait à un débarras où l’on aurait entassé en désordre et à la hâte quantité de choses inutiles, aussi inutiles et bizarres que leur propriétaire. Je me rendis ensuite au jardin et j’aperçus Bonne-Affaire : le dos voûté, les mains jointes derrière la tête, les coudes appuyés aux genoux, il était inconfortablement assis au bout d’une poutre à demi calcinée. La poutre était couverte de terre et son extrémité charbonneuse se dressait parmi les orties, les bardanes et les absinthes. Et le fait que Bonne-Affaire était si mal installé me disposait encore plus en sa faveur.

Longtemps, il ne me remarqua pas ; ses yeux de hibou aveugle regardaient au loin par delà moi-même. Soudain, semblant sortir de son rêve il me demanda avec ennui, me sembla-t-il :

— Tu viens me chercher ?

— Non.

— Alors, que fais-tu là ?

— Rien, je viens comme ça.

Il enleva ses lunettes, qu’il essuya avec son mouchoir maculé de taches rouges et noires, et continua :

— Eh bien, viens ici.

Lorsque je fus assis à côté de lui, il passa son bras autour de mes épaules et m’étreignit avec force.

— Nous allons rester là sans rien dire. Veux-tu ?… Voilà, c’est parfait ! Tu es têtu ?

— Oui !

— Bonne affaire !

Nous demeurâmes longtemps silencieux. Le crépuscule était paisible et doux ; c’était une de ces mélancoliques soirées de l’été de la Saint-Martin, où