Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/166

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Parfois Bonne-Affaire demandait, après un soupir :

— C’est beau, n’est-ce pas, frérot ? Je crois bien ! Tu n’as pas froid ? Il ne fait pas trop humide ?

Mais lorsque le ciel s’assombrit et que le paysage se gonfla comme une éponge imbibée de ténèbres, il décida :

— Maintenant, c’est assez ! Rentrons !

Près du portail du jardin, il s’arrêta et murmura encore :

— Tu as une délicieuse grand’mère, mon petit ! Ah ! quel pays !

Fermant les yeux et souriant, il récita à mi-voix, mais très distinctement :

« Car c’est là son châtiment : il n’aurait pas dû exécuter l’ordre abominable,

» Ni se dissimuler derrière la conscience d’autrui. »

— Rappelle-toi bien cela, frérot ! Souviens-t’en toujours !

Tandis qu’il me poussait en avant, il me demanda :

— Sais-tu écrire ?

— Non.

— Eh bien, apprends ! Et quand tu sauras, note soigneusement tout ce que ta grand’mère te raconte ; cela te servira…

Nous nous liâmes d’amitié. À partir de ce jour, j’entrai chez Bonne-Affaire, quand je voulus. Dès qu’il m’en prenait fantaisie, j’arrivais, je m’asseyais sur une caisse et je le regardais travailler. Il fondait du plomb, chauffait du cuivre et, quand le métal était incandescent, forgeait sur une enclume minuscule, au moyen d’un léger marteau, de petites pièces plates. Bonne-Affaire se servait aussi de râpes, de