Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/213

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— Ah ! petit monstre ! Ne parle pas de cela, entends-tu ? N’en parle pas, je ne veux même pas que tu y penses !

Longtemps, elle discourut à mi-voix, d’un ton sévère, en proférant des paroles incompréhensibles pour moi. Elle se leva ensuite et, tout en arpentant la chambre, elle tambourinait de ses doigts sur son menton.

Une chandelle de suif qui brûlait sur la table se reflétait dans le vide du miroir ; des ombres sales rampaient sur le sol ; dans un coin, devant l’icône, scintillait la petite lampe éternelle. La clarté de la lune argentait la fenêtre givrée. Ma mère, les sourcils froncés, inspectait la pièce, comme si elle eût cherché quelque chose au plafond ou sur les parois nues.

— Quand te couches-tu ?

— Dans un petit moment !

— Du reste, tu as dormi toute la journée ! remarqua-t-elle, et elle soupira.

Je demandai :

— Tu veux t’en aller ?

— Où irais-je ? interrogea-t-elle à son tour avec étonnement, et elle me prit au menton et me regarda si longtemps que les larmes me montèrent aux yeux.

— Qu’as-tu ?

— J’ai mal au cou…

J’avais aussi le cœur serré ; je sentais qu’elle ne demeurerait pas longtemps dans cette maison et qu’elle s’en irait encore.

— Tu ressembleras à ton père ! observa-t-elle, en repoussant du pied le tapis. Grand’mère t’a-t-elle parlé de lui ?