Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/214

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— Oui.

— Elle l’aimait beaucoup, beaucoup) ! Et il le lui rendait bien !

— Je le sais…

Ma mère jeta un coup d’œil sur la chandelle, fit une grimace et souffla sur la petite flamme en disant :

— On est mieux ainsi !

Oui, c’était plus agréable ; les ombres noires cessèrent de s’agiter ; des taches bleu pâle se couchèrent sur le sol et des étincelles d’or flamboyèrent aux vitres.

— Et toi, où as-tu vécu ?

Comme si elle évoquait un passé lointain, elle me cita le nom de quelques villes et, tout en parlant, elle tournoyait toujours dans la pièce, comme un épervier dont on n’entendrait pas le vol.

— Où as-tu pris cette robe ?

— C’est moi qui l’ai faite. Je me fais tout moi-même…

J’étais très content de ce qu’elle ne ressemblait à personne, mais je regrettais qu’elle parlât si peu ; si je ne la questionnais pas, elle ne me disait plus rien.

Bientôt, elle s’assit de nouveau à côté de moi sur le canapé et nous restâmes silencieux, serrés l’un contre l’autre jusqu’à l’heure où mes grands-parents revinrent de l’office, imprégnés de l’odeur de la cire et de l’encens, solennels, apaisés et affectueux.

Le souper fut cérémonieux, comme il convenait à la veille d’une fête ; on parla peu et avec discrétion ; il semblait qu’on eût peur de réveiller quelqu’un dont le sommeil aurait été léger.

Quelques jours plus tard, ma mère se mit en