Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/223

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la tête sous sa luxuriante chevelure noire. M’étant un peu remis, je l’aidai à sortir de la chair deux grosses épingles courbées.

— Cela te fait mal ?

— Ça n’a pas d’importance, demain, je prendrai un bain, je me laverai la tête et il n’y paraîtra plus.

Et elle implora d’une voix caressante :

— Tu ne raconteras pas à ta mère qu’il m’a battue, n’est-ce pas ? Ils sont déjà assez irrités l’un contre l’autre sans cela. Tu ne diras rien, n’est-ce pas, mon petit ?

— Non !

— Bien ; rappelle-toi ta promesse ! Viens, nous allons tout ranger ensemble ! Est-ce que j’ai des marques sur le visage ? Non ? C’est parfait ; comme cela, personne ne s’apercevra de rien !

Elle se mit à nettoyer le plancher et je lui dis avec conviction :

— Tu es une vraie sainte : on te tourmente, on te persécute, et cela ne te fait rien !

— Quelles bêtises tu dis là ! Moi, une sainte ?… Ah ! tu en as des trouvailles !

Longtemps elle grommela en se traînant sur les genoux, tandis qu’assis sur le marchepied du poêle je me creusais la tête pour savoir comment je pourrais bien punir grand-père de sa conduite et la venger du même coup !

C’était la première fois qu’il avait battu sa femme d’une façon aussi infâme et aussi atroce, en ma présence tout au moins. Dans la pénombre je revoyais son visage écarlate et fulminant et ses cheveux qui flottaient en désordre. L’outrage brûlait mon cœur et je souffrais