Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/257

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raconta qu’ayant placé à la lucarne des bouteilles et des flacons de formes et de grandeurs diverses, le vent, soufflant dans les goulots, les faisait chanter, chacun à sa manière. Grand-père le morigéna : « Prends garde, Maxime, ces plaisanteries-là te mèneront en Sibérie. »

» Une année, l’hiver fut très rigoureux et les loups, quittant la campagne, vinrent jusque dans la ville ; tantôt ils égorgeaient un chien, tantôt ils effrayaient un cheval ; ils mordirent même un gardien ivre et causèrent beaucoup de tracas. Chaque nuit, ton père prenait un fusil, chaussait ses raquettes et s’en allait aux champs d’où il revenait avec un ou deux loups qu’il avait tués. Il les écorchait et préparait les têtes, remplaçant les prunelles mortes par des yeux de verre. C’était très ressemblant. Mais voilà qu’un soir, l’oncle Mikhaïl étant sorti dans le corridor pour une affaire urgente, rentra en courant, les cheveux hérissés, les yeux écarquillés, la gorge serrée, sans pouvoir proférer un mot. Son pantalon déboutonné lui tombait sur les pieds et, tout trébuchant, il chuchote d’une voix mourante : « Un loup ! » Chacun s’empare de la première arme venue, on se précipite dans le corridor avec une lumière et on aperçoit, en effet, un loup qui passe la tête entre les degrés de l’escalier. On lui flanque des coups de bâton, on lui tire des coups de fusil, mais l’animal ne remue pas. On s’approche et on voit qu’on n’a affaire qu’à une bête vide et à une peau de loup dont les pattes de devant sont clouées sur une marche !

» Grand-père entra alors dans une violente colère. Bientôt Jacob se mit à imiter Maxime ; celui-ci découpait