Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/263

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yeux fixés au plancher, il demanda à voix basse :

— Mère…

— Hein ?

— Tu sais où en sont les affaires ?

— Oui.

— Qu’en penses-tu ?

— C’est la destinée, père ! Rappelle-toi ce que tu as toujours dit du noble ?

— Oui…

— Eh bien, c’est cela, c’est vrai pour nous aussi.

— Il est nu comme Job.

— Ah ! ça, c’est de sa faute à elle.

Grand-père sortit. Pressentant une catastrophe, je demandai :

— De quoi avez-vous parlé ?

— Tu voudrais tout savoir, grommela-t-elle en me frictionnant les jambes. Si tu apprends tout pendant que tu es jeune, tu n’auras plus de questions à poser quand tu seras vieux…

Et elle se mit à rire en hochant la tête.

— Ah ! grand-père, grand-père, tu es un petit grain de poussière aux yeux de Dieu ! Alexis, n’en parle à personne : grand-père est complètement ruiné. Il a confié des monceaux d’argent à un monsieur, et ce monsieur a fait faillite.

Ma mère ne montait que rarement vers moi au grenier. Elle parlait peu et ne restait pas longtemps. Elle m’apparaissait toujours plus belle, s’habillait de mieux en mieux : et je sentais en elle comme en grand’mère quelque chose de nouveau qu’on me cachait.

Les histoires de mon aïeule m’intéressaient de