Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/271

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Ses yeux se remplirent de larmes claires ; elle appuya ma tête contre sa joue et le spectacle de cette douleur me fut si pénible que j’aurais préféré être battu. Je lui promis de ne plus jamais, jamais offenser les Maximof, à condition qu’elle cessât de pleurer.

— Non, non, supplia-t-elle tout bas, il ne faut plus que tu sois un polisson. Nous allons bientôt nous marier, ensuite, nous reviendrons et nous t’emmènerons avec nous. Maximof est très bon et intelligent, tu seras heureux avec lui. Tu iras au lycée, tu seras ensuite étudiant, comme il l’est maintenant, et ensuite tu deviendras docteur, ou ce que tu voudras. Les gens instruits peuvent prétendre à tous les emplois. Et maintenant, va t’amuser…

Ces « ensuite » qu’elle avait placés l’un après l’autre m’apparaissaient comme des degrés d’une échelle qui se serait perdue dans un gouffre profond, très loin de ma mère, dans l’obscurité, dans la solitude, et la perspective de cet avenir m’effraya tellement que j’eus grande envie de lui dire :

— Je t’en prie, ne te marie pas, je te nourrirai bien moi-même.

Mais les mots ne voulaient pas sortir. Ma mère avait beau m’inspirer les pensées les plus délicates et les sentiments les plus chaleureux, je n’osais jamais les lui exprimer.

Au jardin, mes affaires allaient bien : j’avais sarclé les mauvaises herbes et coupé les grandes à l’aide d’une serpe ; avec des morceaux de brique, j’édifiai un large siège si confortable que je pouvais même m’y étendre et je garnis de briques également