Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/277

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le service militaire, elle a aussi commencé à boire. Et elle m’a persuadé de le racheter, la vieille sotte. Peut-être aurait-il changé au régiment. Ah ! vous !… Moi, je mourrai bientôt. Tu resteras seul, tout seul et tu devras gagner ton pain toi-même, comprends-tu ? Apprends donc à être ton propre ouvrier, mais ne cède jamais aux pressions qu’on essayera d’exercer sur toi. Vis tranquillement, paisiblement, mais sois obstiné. Écoute tout le monde et fais ce qui te conviendra le mieux…

Pendant l’été, sauf naturellement durant les jours de pluie, je vécus au jardin ; par les nuits chaudes, j’y dormis même sur une vieille pièce de feutre que grand’mère m’avait donnée ; souvent, elle venait passer la nuit à mes côtés, elle aussi. Elle apportait alors une brassée de foin qu’elle éparpillait près de ma couche, s’étendait dessus et me racontait de longues histoires qu’elle entrecoupait d’exclamations inattendues :

— As-tu vu cette étoile qui est tombée ? C’est une petite âme pure qui s’ennuyait là-haut et qui s’est souvenue de sa mère, la terre. Il vient donc de naître à un endroit ou à un autre un brave garçon ou une brave fille…

Ou bien, elle attirait mon attention sur ceci ou cela :

— Une nouvelle étoile s’est levée, vois-tu ? Quels grands yeux elle a ! Ah ! le ciel, le ciel, c’est la brillante chasuble de Dieu…

Grand-père grommelait :

— Vous allez prendre froid, nigauds, et vous tomberez malades. À moins que vous ne soyez saisis