rentrai à la maison en déclarant à ma mère que je n’irais plus à l’école.
Assise près de la fenêtre, fatiguée, les yeux égarés, toute grise et de nouveau enceinte, elle allaitait mon frère Sacha ; quand je lui fis part de ma décision, elle me regarda la bouche bée comme un poisson.
— Ce n’est pas vrai. Personne ne peut savoir que tu as pris un rouble.
— Eh bien, va t’informer…
— C’est toi-même qui t’es trahi. Allons, dis la vérité ! Est-ce toi qui as raconté la chose ? Prends garde, je saurai demain qui a rapporté cette histoire.
Je lui citai le nom de l’écolier. Son visage se plissa douloureusement et elle fondit en larmes.
J’allai à la cuisine et, étendu sur le lit qu’on m’avait arrangé parmi les caisses, derrière le poêle, j’entendais ma mère qui, dans la chambre, gémissait tout bas :
— Mon Dieu… mon Dieu !…
Dégoûté par l’odeur de graillon que la chaleur exaspérait, je me levai et me dirigeai vers la cour ; mais ma mère m’arrêta :
— Où vas-tu ? Où vas-tu ? Viens avec moi !..
Nous nous assîmes par terre tous les deux ; Sacha, couché sur ses genoux, empoignait les boutons de sa robe et se penchait en balbutiant :
— Ou-on, ce qui signifiait « bouton »…
Je me serrais contre la hanche de ma mère qui m’entourait de son bras et m’expliquait :
— Nous sommes pauvres… pour nous, chaque copeck… chaque copeck…