Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/312

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— Quand j’aurai enterré ma Mordouane, j’irai moi aussi à l’école et je ferai une grande révérence au maître pour qu’il veuille bien m’accepter. Ensuite, je m’engagerai comme jardinier chez l’évêque, ou chez l’empereur !

Au printemps, la Mordouane ainsi qu’un vieux dont le métier était de quêter pour l’érection d’une église furent écrasés par une pile de bois de chauffage qui s’effondra sur eux au moment où ils s’apprêtaient à lamper une bouteille d’eau-de-vie. On emmena la femme à l’hôpital et le grave Tchourka dit à Viakhir :

— Viens demeurer chez nous, ma maman t’apprendra à lire…

Peu de temps après, Viakhir, le nez en l’air, déchiffrait les enseignes :

— Cotesmibles…

Tchourka rectifiait :

— Comestibles, hurluberlu !

— Je vois bien, mais seulement les lettres changent de place !

— C’est toi qui les embrouilles !

— Mais non, elles sautent toutes seules, elles sont contentes parce qu’on les lit !

Il nous divertissait et nous étonnait tous par son amour pour les plantes et les arbres.

Le faubourg, disséminé sur le sable, était très pauvre en végétation. Çà et là, dans les cours, poussaient de maigres saules blancs ; des massifs de sureau étalaient leurs branches tordues ; au pied des palissades se cachaient timidement des brins d’herbe grise et sèche. Si l’un de nous par hasard s’asseyait