Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/317

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accent. Bien mieux, voyant que ces histoires nous étaient désagréables, il y revenait continuellement, harcelant et persiflant :

— Ah ah ! Vous avez peur, n’est-ce pas, petits paltoquets ! Je m’en aperçois bien ! Oui, il y a un gros bonhomme qui va mourir bientôt et il en mettra du temps à pourrir, celui-là !

On essayait en vain de le faire taire ; il continuait :

— Et vous aussi vous mourrez ! Vous ne vivrez pas longtemps, sur vos tas de fumier !

— Eh bien, nous mourrons, disait Viakhir ; et nous deviendrons des anges !

— Vous, des anges ? (Le père de Jaze suffoquait d’étonnement.) Vous ? Des anges ?

Et il partait de rire et recommençait à nous agacer en nous racontant des vilenies sur les défunts.

Parfois cependant cet homme étrange nous confiait d’une voix basse et gazouillante des choses bizarres :

— Écoutez donc, mes petits amis, attendez ! Avant-hier, on a enseveli une femme ; et j’ai appris quelque chose sur elle, oui, mes enfants. Ah ! qu’est-ce que j’ai appris !

Il parlait souvent des femmes et toujours pour des révélations très viles. Mais il y avait dans ses histoires quelque chose de plaintif, et comme une sorte d’interrogation désolée. Il semblait nous inviter à réfléchir et nous l’écoutions attentivement s’exprimer d’une façon maladroite et embarrassée. De toutes nos conversations avec lui, rien de précis ne subsistait, mais seulement des fragments d’idées et des lambeaux de récits qui prenaient une allure alarmante.