Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/328

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remua les lèvres comme dans un ricanement et, avec lenteur, abaissa ses longs cils sur ses prunelles. Ses coudes se collèrent avec force à ses côtés et ses mains, dont les doigts bougeaient un peu, rampèrent sur la poitrine et montèrent à la gorge. Une ombre passa sur son visage et s’accentua peu à peu, tendant la peau jaune, et aiguisant le nez. La bouche s’entr’ouvrit, mais on n’entendit pas le bruit de la respiration.

Pendant un temps incalculable, je restai debout devant le lit, ma tasse à la main, regardant ce visage qui se pétrifiait et qui prenait des teintes grisâtres.

Enfin, grand-père entra et je lui dis :

— Ma mère est morte…

Il jeta un coup d’œil sur le lit :

— Qu’est-ce que tu radotes ?

Il marcha vers le poêle et sortit un pâté du four en faisant un tapage assourdissant avec la poêle et les couvercles. Je le regardai sans rien dire, je savais que ma mère était morte et j’attendais qu’il comprît.

Il ne semblait pas s’en soucier.

Mon beau-père arriva peu après, vêtu d’un complet de toile et coiffé d’une casquette blanche. Il prit un siège et, sans faire de bruit, le porta près du lit de ma mère, mais, arrivé près d’elle, il lâcha la chaise et brusquement clama d’une voix claironnante comme une trompette de cuivre :

— Mais elle est morte, voyez donc !…

Les yeux écarquillés, un couvercle à la main, grand-père cette fois abandonna son fourneau et s’approcha du lit, en trébuchant comme un aveugle.