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xiii[a].
Des philosophes[1] qui aloient par le monde[b].

Ainsi aloient par leur monno-[F° 122 b]ie la ou il vouloient parmi le monde en marcheandise ou en pelerinage, ou pour cerchier[2] et enquerre aucuns lieus que il[3] vouloient savoir.

Dont maint qui estoient philosophe, qui tout vouloient esprouver, aloient par mer et par terre pour mieulz[4] enquerre la verité des choses du ciel et de la terre. Il ne se rostissoient pas tant as granz feus, comme font orendroit maint truant papelart qui sont au monde, qui nul bien n’aimment ne ne font, [F° 122 c] fors que pour avoir le los du monde. Ainz cerchoient la mer et la terre amont et aval, pour mieulz connoistre et mal et bien. Dont il soufrirent[5] maintes granz painnes pour rendre leur ames a Dieu. Et cil ne quierent avoir que[6] le non d’estre apelez maistres, pour avoir en[7] le renon au[8] monde qui si tost leur faut.

Mauvais homme ne puet penser as hautes choses. Car qui de terre est, a terre tent ; et qui a Dieu bee, Diex l’atent. [F° 122 d] Et Diex meïsmes dist ceste parole : « Qui de terre est, de terre parole[9] ; et qui du ciel vient, au ciel tire. » Et cil est plus sires de touz les autres.

Li philosophe, qui bien sorent entendre ceste parole[10], orent plus chier a souffrir mesaise pour aprendre, qu’a entendre[11] as honneurs de terre. Car il amoient mieulz les clergies que les seingnories du monde.

Platons, qui fu uns puissanz[12] maistres d’Athenes, relenqui ses estres et son lieu. Car il n’ot eu-[F° 123 a]re de tele renommée ; ainz cercha maintes contrées. Et ot plus chier a avoir painne et mesaise et vergoingne pour enquerre verité et pour aprendre, que avoir seingnorie[13] au monde ne maistrie [14] de dire riens dont il ne fust certains[15], pour aquerre los vain.

Apolines[16], qui tant fu granz sires, laissa son regne et son empire, et s’en ala povres et nuz pour aprendre. Et fu pris et venduz par maintes foiz destranges genz[17]. Nonques n’i ot nul[18] si vail-[F° 123 b]lant de ceuls qui l’acheterent[19] ne qui le vendirent, qu’il onques[20] ne feïst nulle force ne du vendre ne de l’acheter[21], mais qu’il peüst adès aprendre. Et tant cercha amont et aval pour connoistre Dieu et le monde que il avoit plus chier que

  1. — B : phylosophes.
  2. — A : chacier.
  3. — B : qu’il.
  4. — B : miex.
  5. — B : souffrirent.
  6. — B : fors.
  7. — B : « en » manque.
  8. — B : du.
  9. — B : parole de terre.
  10. — A : parale.
  11. — B : que a tendre.
  12. — B : puissans.
  13. — B : seigneurie.
  14. — A : maistre.
  15. — B : « dont il ne fust certains » manque.
  16. — B : Apollomes.
  17. — B : « genz » manque.
  18. — B : nus.
  19. — B : achaterent.
  20. — B : en.
  21. — B : ne du l’achater.
  1. [F° 122 a124 d = Vers 5676-5811.]
  2. Neckam II 21 mentionne « Alexandre ». Philostrate (Vie d’Apollonius de Tyane) donne le récit des aventures d’ « Apolines » et de Hyarchas (ed. Kaiser, Leipzig, 1870, III ch. 16 s.)