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Selon Langlois (o. c. p. 62), la date 1246 (v. s) se rapporte à la première rédaction qui a été terminée le 6 janvier 1247 (v. s.) ; la date de la seconde rédaction est inconnue, et de même celle du manuscrit Harley.

Le savant critique admet que la leçon 1245 est fortement garantie par la grande majorité des manuscrits et par l’explicit des manuscrits de toutes les rédactions. Cependant il écarte cette date pour la seule et unique raison que Harley mentionne 1246 comme étant l’époque où le plan de l’Image du Monde lui est venu à l’esprit[1].

Il paraît pourtant évident que le vers cité (fui d’un livre faire pensis) se rapporte simplement à la rédaction du manuscrit Harley lui-même qui diffère tellement, soit comme plan, soit comme matière, de la première rédaction.

Langlois[2] attribue l’explicit commun à tous les manuscrits de toutes

    Langlois nous dit qu’il trouve dans le manuscrit de Londres la mention de deux rédactions. Il cite à ce propos le passage suivant (Langlois, o. c. p. 60, 62, 63) :

    Fo 5 a :Mès ne sui pas si toz senez
    Ce ne fu .I. sols hom gentils,
    Fils de roi prodom et sutils,
    Freres au roi Loys de France
    Qui conquist lo fer et la lance
    La corone Deu et la Croix,
    C’est li contes Robers d’Artois.
    a celui lo dona premiers,
    Car il aprenoit volentiers.
    Et après fis lo secont mez
    A l’avesque Jake de Mez,
    Frere lo duc de Loheregne,
    Mon evesque et signor demeine.

    Nous avons déjà eu l’occasion, plus haut (p. 3), de mentionner Robert d’Artois. Quant au frère du duc de Lorraine, il a été évêque de Metz de 1239 à 1260.

    Selon Langlois, la dédicace au frère de saint Louis se rapporte à la première rédaction ; la dédicace à Jacques de Metz, à la seconde. Il n’y a rien là qui soit incompatible avec notre théorie des dates, car Robert dArtois vivait en 1246 ; ainsi la première rédaction aurait parfaitement bien pu lui être dédiée alors.

    Mais après tout pourquoi s’efforcer de trouver un sens caché dans les lignes de notre auteur lorsqu’une explication fort simple peut résoudre toutes les difficultés ? Nous savons qu’au moyen âge dédier successivement à plusieurs patrons le même ouvrage n’avait rien d’extraordinaire. Langlois lui-même (o. c. p. 60) en cite un exemple frappant : le cas de la double dédicace de Philippe de Thaon à deux reines d’Angleterre.

    L’Image du Monde nous offre donc un cas parallèle et, selon nous, l’auteur dédie à Robert d’Artois et à Jacques de Metz non pas deux rédactions successives, mais un seul et même ouvrage : la rédaction représentée par le manuscrit Harley 4333.

  1. À l’appui de sa théorie, Langlois cite P. Meyer qui, nous dit-il, qualifie la leçon 1245 d’isolée et sans valeur (o. c. p. 50).

    Ce sont en effet les propres termes de P. Meyer, tels qu’on peut les lire dans Romania, XXI (1892), p. 503. Mais dans cet article le savant critique traite du manuscrit Phillipps, de Cheltenham, manuscrit de la seconde rédaction à laquelle la date 1245 ne s’applique évidemment pas.

    P. Meyer n’avait aucune intention de généraliser puisqu’à la page 482 du même article il dit en tout autant de termes que la première rédaction date de 1246 n. s. (i. e. 1245 v. s. dans les manuscrits).

    La citation est donc plutôt un argument contre la théorie de Langlois.

  2. Langlois, o. c. p. 50, 51 n.