Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/101

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Quelques talents avec un sien napoléon,
Dans un obscur tripot, non loin du Panthéon.
La nuit venait. Phoïbê montra son front timide ;
Le joueur revêtit sa laineuse chlamyde,
Et, vers l’antre où Ploutos présidait aux combats,
Il vint — comme les bœufs d’Ajax — les pieds en bas.
Le temple grec ouvrait sa hideuse poterne
Au bout d’un corridor, vrai sentier de l’Averne,
Où Phoïbos-Apollon était représenté
Par un lampion mort dans l’âcre obscurité.
Æmilios entra sous la voûte de plâtre,
Et, soudain, un éphèbe au tablier jaunâtre,
Qui répondait : « Vlàboum ! » quand on l’interpellait,
Sur le seuil l’accueillit. La foule qui hurlait
S’arrêta, contemplant le jeune prosélyte ;
Mais, comme il n’avait pas l’aspect d’un satellite,
Les Achéens pensifs se remirent au jeu.
Une épaisse fumée empestait le saint lieu :
Assis sur des trépieds d’une facture austère,
Les joueurs allumaient dans leur bouche un cratère,
Et leurs lèvres lançaient par des souffles puissants,
Vers des soleils de gaz, un nuage d’encens.

On voyait çà et là l’éphèbe dans les groupes :
Sur les tables de marbre il déposait des coupes,
Des amphores de verre à faux col solennel,
Où moussait le nectar jaune et blanc, hydromel
Que Gambrinos, rival de Dionysos l’antique,
Fait avec du houblon et de l’orge authentique.
Sur un autel de zinc trônait un grec lippu,
Chassieux comme un vieux Priapos, mais trapu,
Auquel, pour ce motif, tous les fils de Diogène
Portaient plus de respect qu’aux douze dieux d’Athène.