Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/128

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C’est plus tard, quand j’appris qu’elle était malade, que je la revis et que je devins son amie ; — pendant six mois j’y suis allée chaque jour.

« Quand je la retrouvai rue Notre-Dame-de-Lorette, dans cette même maison d’où est parti le funèbre cortège, Nina ne voulait plus quitter son lit. Je la vois encore. Elle avait fait un peu de toilette pour me recevoir. Une chemise de soie bleue garnie de dentelles blanches, un nuage de poudre sur les joues, et ses cheveux toujours beaux bien lissés autour de son front. Je la trouvai à peine changée. Aucun signe ne trahissait le mal qui devait l’emporter. Elle se disait morte, et souvent cette phrase navrante revenait sur ses lèvres décolorées :

« Quand je vivais. — Quand je vivais, j’aimais ceci ou cela ; je portais des robes claires et des grands chapeaux à plumes tombantes… On venait me voir… On me trouvait belle, — on m’aimait. — Aujourd’hui que je suis morte, on me laisse seule, je fais peur… et je n’ai rien pour m’habiller. »

« Quand nous parvenions à la faire se lever, il y avait des soirs où la Nina d’autrefois reparaissait presque entière avec sa fine gaieté,