Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/150

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À Bullier, où il fréquentait assidûment, Gill était assis à une table en compagnie de quelques artistes ; une jolie fille vint se mêler à eux.

— Tiens ! dit quelqu’un, tiens ! ma belle ! sois heureuse : voici M. André Gill, que tu dois connaître.

— Ah ! fit-elle. Je crois bien que oui. Et s’adressant à Gill : Est-ce que vous n’avez pas deux frères étudiants en pharmacie.

— Des frères ! répondit Gill avec sa grosse voix de basse, des frères ! J’en ai ; mais ils sont en marbre, et debout sur des socles, au Louvre !

Les anecdotes de ce genre fourmillent dans la biographie du grand dessinateur. Un de ses amis, revenu récemment du Midi, lui faisait visite :

— Et, dit le caricaturiste, où êtes-vous allé, mon cher ?

— À Nice.

— À Nice ? Quoi faire, à Nice ?

— Dame ! répliqua l’autre, me baigner dans la Méditerranée.

— Vous baigner ! Moi, quand je veux me laver, je vais vers l’océan : c’est la seule cuvette qui me convienne.

C’est cette disproportion entre la timidité