Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/180

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compte, six cents conspirateurs, ornés de femmes variées, qui s’engouffraient, 19, rue Cujas, on ne savait dans quel but. À travers les volets clos, les quarts-d’œil glissaient des regards, et saisissaient les gestes exaspérés de Paul Mounet, récitant la Grève des Forgerons, les convulsions de Maurice Rollinat, disant le Soliloque de Troppmann, les mines étonnantes de Coquelin Cadet, les hérissements de moustache d’André Gill, et parfois les haut-le-corps violents du président, dont la chevelure se hérissait, tandis que sa main énergique secouait une sonnette de réunion publique, une vraie cloche.

— Tout ça n’est pas naturel ! pensaient les quarts-d’œil. Il y a des femmes, c’est peut-être des nihilistes.

On parlait beaucoup des skopsis en ce temps-là, des skopsis, ni hommes, ni femmes, qui conspiraient sans sexe déterminé.

Quand les constables voyaient quelques géants jeter à la porte les buveurs récalcitrants, ils pensaient que ce devait être l’exécution d’un traître, et accueillaient l’expulsé à la sortie :

— Qu’est-ce qu’on fait là-dedans ? demandaient-ils.