Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/232

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les avant-propos dramatiques au Gil-Blas) et les débuts de Trézenick, auteur des Gouailleuses ; de Lemouël (poète des Feuilles au vent, et dessinateur du Chat noir) et de Gustave Vautrey (qui fit jouer en collaboration avec Livet un acte à l’Odéon), et de Clovis Hugues, le farouche tribun, tous placèrent en bel ordre leurs vers sous le pavillon hydropathique que tenait haut et ferme la Revue moderne et naturaliste. Eh quoi ? je vois là poindre l’oreille d’un décadent — oh ! non, pas décadent ni déliquescent, il m’en voudrait trop — d’un symboliste, Gustave Kahn.

C’est un poème en prose qui commence ainsi :

« Absinthe, mère des bonheurs, ô liqueur infinie, tu miroites en mon verre comme les yeux verts et pâles de la maîtresse que jadis j’aimais. Absinthe, mère des bonheurs, comme Elle, tu laisses dans le corps un souvenir de lointaines douleurs ; absinthe, mère des rages folles et des ivresses titubantes, où l’on peut, sans se croire un fou, se dire aimé de sa maîtresse. Absinthe, ton parfum me berce…

Cela se termine de la sorte :

« Le caboulot est large, carré, et, sur les tonneaux aux ventres ronds, le gaz allume des étincelles, et sur les tables de bois, jacassent et fument des pipes des gens pauvres et mal mis, enlaidis des lueurs du gaz…