Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/259

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qu’un vain mot. Si j’ai rappelé ici cet essai de saint-simonisme, c’est qu’une histoire absolument fantastique s’y rattache.

Il y avait un jeune homme, maigre et petit, qui venait nous voir de temps à autre. Quand il voulait déjeuner, il apportait des œufs. Nous l’appelions Camille, parce que — chose inattendue ! — il avait l’habitude au dessert, au café, n’importe où, de déclamer les Imprécations de Camille, dès qu’on parlait littérature. Étrange ! étrange ! c’était ainsi !

On lui persuada de venir aux hydropathes réciter ce splendide monologue de Corneille. Camille ne se fit pas prier. Ah ! ce fut une belle soirée ! Avertis par je ne sais qui, les fumistes s’étaient donné rendez-vous, on fit un succès à Camille, on le couvrit de fleurs, on l’ensevelit sous des couronnes. B.....l, le bon blanquiste, n’avait pu assister à ce triomphe, et, le lendemain, par plaisanterie, il se mit à m’invectiver, prétendant que j’aurais dû l’avertir ; une fausse querelle s’ensuivit, en présence de Camille, qui vainement s’interposait.

Bref ! un duel fut résolu, à la suite du mot bourgeois, jeté par l’un de nous à la face de l’autre.