Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/276

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Ah ! le pauvre homme ! tombé entre les mains de Sapeck, d’Alphonse Allais et de Louis Décori, il ne tarda pas à se déclarer vaincu.

On recula les bornes du cabaret, et sur la place conquise, sur le mur enfin accaparé, Willette posa sa large toile : Parce Domine, qui symbolise d’une saisissante façon la vie gaie à la fois et atroce des troubadours de la poésie et des pierrots Gobe-la-Lune. Voici : du Moulin de la Galette une étrange procession descend vers une rivière infernale, vers un fleuve noir, la Seine, égout collecteur. Jeunes les Pierrots, blanches et roses les Pierrettes, au départ ! Puis, frénétiques adolescents, puis vieillissant sur la pente roide, toujours le verre en main et la chanson aux lèvres, mais portant le deuil de leurs illusions sur leurs faces pâlies, sur leurs vêtements assombris ! Enfin croulants, vieux Pierrot fané, Pierrette à patte d’oie, dans le trou sombre, du suicide sans doute, de la folie peut-être ou de la phtisie, dans l’abîme où des sirènes mornes attendent cette proie, tandis que le Vertueux, dans un cercueil orné de la croix blanche, monte vers le ciel où dansent, alertes et joyeuses éternellement, les étoiles, symboliques.