Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/277

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Page triste, avertissement sauvage du poète Willette, qui a l’air de dire aux Villons épars sur les bancs, près des tables du cabaret, aux bohèmes qui lèvent leurs verres et lancent leurs chansons : « Frères ! il faut bifurquer à temps ! »

C’était l’époque où l’idée de la mort le hantait lui-même, au milieu des camarades étincelants de verve audacieuse. Il se complaisait à ouïr les macabres poèmes de Rollinat, les féroces cantilènes plaquées sur les sonnets les plus sombres de Baudelaire. La mort attire ! Heureusement quelques chansons vibrantes, quelques odes à la Gaieté que nous chantions parfois, chassèrent ces impressions funèbres, dont porte la trace le dessin du numéro 44 (Chat noir, samedi 11 novembre 1882).

Ce fut ce mois-là précisément que le Figaro, par la plume de Wolff, lança en pleine lumière Maurice Rollinat. Le poète eut son heure de très grand succès ; et les Névroses, publiées par Charpentier, le consacrèrent définitivement. C’est l’énergique chantre de la lamentation des âmes et des choses. On peut ne pas aisément supporter d’être perpétuellement soumis à cette effroyable torture de contempler la mort face à face, et de toujours plonger son regard dans les