Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/278

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orbites creux ; mais Rollinat possède l’indéniable puissance de le pouvoir faire, sans tomber dans la folie, et de nous revenir de ce spectacle horrifiant, les cheveux dressés et la face bouleversée, mais la bouche chantant encore.

Nous, plus bizarrement audacieux peut-être dans notre ironie, nous avions joué avec la mort. Afin de forcer certaines gens qui le harcelaient à le laisser tranquille, Salis résolut de se faire passer pour mort. Malgré les supplications de sa famille, ce fut chose décidée, et voici comment ce fut exécuté.

Le journal le Chat noir parut encadré de deuil, avec une oraison funèbre sur cet infortuné gentilhomme, qui, au moment du succès, était passé subitement de vie à trépas.

Sur la porte, une pancarte énorme, bordée de noir, portait cette inscription : Ouvert pour cause de décès. Rodolphe Salis lui-même représentait la famille, il était le frère du défunt, un frère tellement ressemblant, qu’il en était presque jumeau.

Sur quatre chaises reposait la boîte à violoncelle fournie par Tolbecque, boîte recouverte d’une étoffe noire brodée de larmes d’argent ; au-dessus un pain rond en forme de couronne ;