Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/37

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barde, beaucoup de commandants en retraite, de percepteurs fatigués, de marchands de salade, ou de magistrats, avares sur leur nourriture ou celle de leurs proches, parfois criblés de dettes, n’hésitent pas à dépenser de l’argent, afin de se faire imprimer. Poésie et vanité ! C’est sur ce deuxième péché que tablent les entrepreneurs de petits journaux poétiques, rédigés par les abonnés, dit le prospectus ! où ces malheureux payent sérieusement la gloire d’alimenter la cuisine de deux ou trois sceptiques joyeux qui revendent au poids l’inévitable bouillon de leurs journaux. Pauvres gogos du rêve !

Heureusement, quoique fort naïf moi-même, je mis en garde contre l’industriel en question mes deux jeunes confrères.

Et lorsque ce fantastique M. T… eut fini, nous le quittâmes rapidement, lui, son drame, son sucre, son eau, sa cuiller, son journal et ses lustres éclairant son petit désert, qui, s’il était muni de chaises en guise de palmiers, manquait absolument de sources nombreuses et variées à l’usage des voyageurs perdus en ces parages assoiffants.

Tous les trois, — les trois poètes !! — nous