Page:Gouges - Testament (1793).djvu/2

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si, pour arriver jusqu’aux jours de tes terribles vengeances, il te faut le sang pur et sans tache de quelques victimes innocentes, ajoute à cette grande proscription, celui d’une femme. Tu sais si j’ai recherché une mort glorieuse ! Contente d’avoir servi, la première, la cause du peuple ; d’avoir sacrifié ma fortune au triomphe de la liberté ; d’avoir enfin donné, dans mon fils, un vrai défenseur de la patrie, je ne cherchais que la retraite la plus obscure, la chaumière du philosophe, digne et douce récompense de ses vertus ! Voyant mes écrits, mes efforts impuissans pour rappeler les hommes à la plus douce des morales, à cette touchante fraternité qui pouvoit seule sauver la patrie, je pleurois, dans le silence, un fils qui avoit versé son sang pour elle sur les frontières, et qui, par un de ces miracles dont toi seule, ô providence ! dirige les bienfaits, m’a été rendu. Arraché de dessous les cadavres et les chevaux de l’ennemi, ce fils croyoit dans l’armée française, sacrifié à son bouillant civisme, porté parmi les mourans à un hôpital, effacé en un mot de la liste des vivans, dépouillé par l’ennemi de son équipage, vole à Paris pour y chercher sa mère, et demander de nouveau de l’emploi ; j’avois fui la capitale, je ne cherchois qu’à vivre inconnue