Page:Gounod - Mémoires d’un artiste, 1896, 3e éd.djvu/284

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voyait en lui une sorte de reclus dont la cellule était inviolable et sacrée ; on se faisait scrupule de l’arracher au silence et au recueillement sans lesquels il est bien difficile, sinon impossible, de concevoir et de produire des œuvres robustes, victorieuses du temps, ce juge redoutable qui « n’épargne pas ce qui se fait sans lui ».

Aujourd’hui, l’artiste ne s’appartient plus : il est à tout le monde ; il est plus qu’une cible, il est une proie. Sa vie personnelle et productive est presque tout entière absorbée, confisquée, gaspillée par les prétendues obligations de la vie sociale qui l’étouffent peu à peu dans le réseau de ces devoirs factices et stériles dont se composent tant d’existences dépourvues d’un but sérieux et d’un mobile supérieur. En un mot, il est dévoré par le monde.

Or, qu’est-ce que le monde ? C’est la collection des gens qui ont peur de s’en-