Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/160

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Et sans répondre à la jeune femme, sans un mot d’adieu, il enfonça ses poings dans ses yeux pour renfoncer les larmes prêtes à jaillir, et, courbé, hagard, fou, il s’enfuit comme un insensé.

Michelle alors comprit ce qu’il avait pensé. Un pli amer creusa sa bouche ; elle battit l’air de ses deux mains et tomba évanouie sur le tapis.

Peu après, elle revenait à elle, rappelée à la vie par les baisers de ses enfants qui pleuraient, lui parlaient, l’enlaçaient de leurs bras caressants, et elle les étreignit longuement, passionnément, avec un immense désespoir.

« Prions, mes chers petits, dit-elle en les faisant s’agenouiller, prions ; le bon Dieu nous juge et nous voit, qu’importe l’opinion des hommes ! »

Comme toujours, la prière mit en l’âme de Michelle une nouvelle vaillance ; elle se roidit, compta la souffrance et monta en voiture pour se rendre chez sa mère.

Mme Carlet sortait de table, elle buvait du café en lisant son journal, assise sur le balcon de son appartement.

En apercevant sa fille pâle et toute défaite, elle eut cette judicieuse remarque :

« Tu veilles trop, Michelle, tu t’amuses trop dans le monde ; ce n’est pas raisonnable. »

Michelle négligea de se disculper :

« Mère, nous reparlons pour Rantzein. Je viens vous dire au revoir.

— Ah ! tu es bien heureuse de repartir pour la Forêt Noire ! En cette saison torride, Paris n’est pas tenable.

— C’est pourquoi, mère, je viens vous proposer une saison au bord de la mer.

— Excellente idée, seulement je ne suis pas en fonds…

— Mère, je serai heureuse de vous offrir cette saison.