Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/288

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j’irai. L’enfant est à sa mère, le bon Dieu l’a dit.

— Oh ! quelle folie, mon cher mignon ! »

Elle tenait Heinrich étroitement enlacé et tout à coup, ranimée par ce cœur vaillant de son fils qui battait contre le sien, elle se leva résolue.

« Oui, tu as raison, partons, sauvons-nous tous deux, tu choisis ta mère, toi… tu préfères la lutte au repos, la misère au bien-être. Alors viens pour qu’on ne nous poursuive pas avant que nous soyons en sûreté. »

Ils se levèrent ensemble.

« Tiens regarde, dit-elle, regarde Rantzein, il en est temps encore, veux-tu retourner ?

— La porte est fermée, la clé jetée de l’autre côté, barrée la route ! » répondit Heinrich courant en avant sur le chemin.

Michelle alors prit la main de son fils.

« Dieu le veut, dit-elle, le sort en est jeté, Vierge sainte, mère aussi, vous protégez les errants qui cherchent un refuge ainsi que vous cherchâtes l’Égypte. »

Une exaltation lui venait. Elle voyait maintenant la possibilité d’une lueur de bonheur, un rayon clair traversait la nuit. Elle avait un enfant, une consolation, un but, ils vivraient en France, elle travaillerait. Ah ! Si elle avait su, par exemple, elle aurait bien pris les rouleaux d’or restés au fond de son bureau, car elle avait bien juste pour payer le voyage.

Où allaient-ils fuir ? bientôt on allait découvrir le lit vide d’Heinrich, tout le monde s’ameuterait, on télégraphierait à la redoutable tante. Elle accourrait, remuerait ciel et terre et ils seraient traqués, pourchassés. Oh ! il fallait vite gagner la frontière : Suisse ou France.

La Suisse était plus près, mais traverser la Forêt Noire ! Une femme et un enfant, seuls, sans guide, cela semblait infranchis-