intérieure. Le poète lui bâtit des palais, des paysages, des Sites, où se dérouleront les Episodes de cette vie intime.
Une philosophie s’affirme déjà, au détour de ces premiers vers l’idéalisme, qui se tressera à toutes les théories du symbolisme. Aussi, tous les poètes de cette pléiade privilégiée, enfermés dans leur symbole particulier, décriront-ils, sans essayer de s’en évader, l’intérieur de leur prison. La prison de. M. de Régnier est un palais aux colonnes d’onyx il s’y promène le long des galeries lambrissées d’or. De larges fenêtres s’ouvrent sur la nature et sur la vie il s’y penche et contemple le spectacle, plus beau et plus vrai d’avoir été réfléchi, resongé par son imagination, et reconstruit selon le rythme particulier de son âme.
Le vers est la traduction spontanée d’une émotion. Un vers n’est en réalité qu’un seul mot, une inflexion de mots musicalement associés qui ne forment qu’un vocable. En dehors de son sens précis, déterminé par la signification spéciale de chacun des mots qui le composent, le vers a aussi un sens mystérieux, musical. Les images et les sons s’y enchevêtrent, s’y concentrent, s’y répondent, s’obstinant à frapper nos nerfs, pour recréer en nous un état de sensibilité voulu. Un vers, c’est la modulation musicale d’une voix il produit sur les sens un effet physique, et, par répercussion, mental. Etat de sensibilité voulu ? Voulu inconsciemment ; il y a un métier poétique, mais ce métier ne fait que débarrasser le poète d’une inquiétude d’expression. Les mots doivent lui obéir ; il les marie alors selon leur couleur et leur musicalité, instinctivement, et pas d’après une logique de pensées un poète n’exprime pas des idées mais les suggère par des images et par des sons. Les symbolistes ont indiqué et pratiqué cette méthode ; mais on doit la retrouver en toute vraie poésie.
