Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/32

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Une telle sorte d’art fut pratiquée jadis, à la suite du Roman de la Rose, par de pieux romanciers qui firent, en des livrets d’une gaucherie prétentieuse, évoluer des abstractions et des symboles. Le Voyage d’un nommé Chrétien (The Pilgrim’s Progress), de Bunyan, le Voyage spirituel, de l’espagnol Palafox, le Palais de l’Amour divin, d’un inconnu, ne sont pas œuvres totalement méprisables, mais les choses y sont vraiment trop expliquées et les personnages y portent des noms vraiment trop évidents. Voit-on sur quelque théâtre libre un drame joué entre des êtres qui se nomment Cœur, Haine, Joie, Silence, Souci, Soupir, Peur, Colère et Pudeur ! L’heure de tels amusements est passée ou n’est pas revenue : ne relisez pas le Palais de l’Amour divin ; lisez la Mort de Tintagiles, car c’est à l’œuvre nouvelle qu’il faut demander ses plaisirs esthétiques, si on les veut complets, poignants et enveloppants. M. Maeterlinck, vraiment, nous prend, nous point et nous enlace, pieuvre faite des doux cheveux des jeunes princesses endormies, et au milieu d’elles le sommeil agité du petit enfant, « triste comme un jeune roi » ! Il nous enlace et nous emporte où il lui plaît,