Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/44

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mot semble scandé sur l’enclume, et, pour conclure, il donne un grand coup du marteau lourd.

Quand il ne travaille pas dans sa forge, il s’en va par les campagnes, la tête et les bras nus, et les campagnes flamandes lui disent des secrets qu’elles n’ont encore dit à personne. Il voit des choses miraculeuses et n’en est pas étonné ; devant lui passent des êtres singuliers, des êtres que tout le monde coudoie sans le savoir, visibles pour lui seul. Il a rencontré le Vent de novembre :


Le vent sauvage de novembre,
Le vent,
L’avez-vous rencontré, le vent
Au carrefour des trois cents routes… ?


Il a vu la Mort et plus d’une fois ; il a vu la Peur ; il a vu le Silence


S’asseoir immensément du côté de la nuit.


Le mot caractéristique de la poésie de M. Verhaeren, c’est le mot halluciné. De page en page, ce mot surgit ; un recueil tout entier, les Campagnes hallucinées, ne l’a pas délivré de cette obsession ; l’exorcisme n’était pas possible,