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marie dauguet

de s’engloutir dans la nature, qui l’attire comme un amant :

L’odeur de volupté des marais s’accentue,
Qui parle aux sens tout bas avec des mots profonds.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

La résine suinte à l’écorce des mélèzes,

De la tendresse fond sous l’aubier trop étroit,
Et le Désir puissant surgit, dont rien n’apaise
L’ardeur et qui nous prend et lentement nous baise
Aux lèvres, comme un amant qui serait roi.

Ce n’est pas ici l’amour de la nature, comme l’a conçu J.-J. Rousseau, et depuis, sous une forme nouvelle, Francis Jammes. L’amour de la nature est ici une transposition de l’amour sensuel, qui demeure à l’étape du désir. Le poète s’aime dans les choses comme un amant s’aime dans sa maîtresse : « Je suis toi-même », dit-il. Marie Dauguet écrit :

Je suis le vent qui roule et je m’entends bruire
Parmi le vol agile et bleu des libellules ;
Aux visages des eaux, j’ai vu mes yeux reluire,