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muses d’aujourd’hui

elle a su noter une matinée de son enfance : toutes les fleurs du jardin penchent sous les pollens du désir, et toute cette lourdeur d’amour pèse sur elle. C’est le premier poème des Charmes :

Les lilas blancs piqués d’abeilles courageuses
Sentent une tiédeur sur les branches neigeuses
Comme un souffle d’amant sur un cou qui s’incline.
Et les pas de l’enfant qui rêve
S’alanguissent encor, encor
Tandis que sa traîne soulève
Plus doucement le sable d’or.

On dirait un matin de Monet ; mais ici la nature s’éblouit encore du rêve d’une enfant amoureuse et inquiète :

Quelle annonciation, qu’elle attente éperdue
Fait ce silence au cœur des plus vivantes choses ?
Les bourdons sont sans bruit sur les boutons de roses.

La jeune fille entre dans le jardin. Près des lys, les pivoines « semblent de grands péchés