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lucie delarue-mardrus

Et dans les arbres dont j’étreins l’énormité,
Je te serre entre mes deux bras, Été, Été !

Arbres de la forêt, hêtres souples et élancés, tandis que vous nous évoquez la peau douce de nos bien-aimées, nos amies adorent en secret votre élan viril et l’énormité de votre puissance.

Ces vers, composés avec maîtrise, dépassent la sincérité de la poétesse, c’est un motif harmonisé. Ce sera en baissant son lyrisme, d’un demi-ton, qu’elle trouvera la note juste de son émotion :

L’odeur de mon pays était dans une pomme.
Je l’ai mordue avec les yeux fermés du somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
… Ah ! je ne guérirai jamais de mon pays !
N’est-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans leur fraîcheur, la paix et toute l’innocence ?
Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?…

Elle songe à son enfance le long des près et des haies, aux bateaux qui « traînent des sen-