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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér2, 1913.djvu/112

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blent bien avoir été Pigault-Lebrun et Ducray-Duminil, c’est-à-dire deux romanciers d’une singulière bassesse intellectuelle et morale. Balzac, de ce hasard, garda une tache qui ne s’effaça jamais et qui reste visible même sur ses œuvres les plus belles et les plus saines.

Pigault-Lebrun était goguenard et libertin ; Ducray-Duminil était sentimental et ténébreux. Ils se partageaient la faveur populaire, et, pendant que les écrits de Chateaubriand et de Mme de Staël faisaient réfléchir les intelligences solides, ces deux romanciers populaires empoisonnaient un public crédule et docile. Le premier s’est continué par Paul de Kock, qui faisait les délices de M. Renan et celles de Francisque Sarcey. Le second est, avec Anne Radcliffe et Pixérécourt, l’ancêtre de ces célèbres feuilletonistes, dont quelques-uns semblent encore vivants aux lecteurs de plus d’un journal, grand ou petit. Le thème presque unique de Ducray-Duminil est l’innocence persécutée et enfin vengée et rétablie dans ses droits ; c’est encore cela qui triomphe à la Porte-Saint-Martin et qui « fait de l’argent ». On a retenu, pour leur drôlerie, les titres de quelques-uns de ses romans « Cœlina ou l’Enfant du mystère ; Jacques et Georgette ou les